Les Avertissements de Daniel Buren
Daniel Buren ne vend pas ses œuvres comme les autres artistes. Sa transaction est formalisée par ce qu'il appelle un avertissement qui limite d'emblée les prérogatives de l'acheteur. Celui-ci se voit notamment interdire l'exposition publique de l'œuvre, sauf autorisation préalable de l'artiste.
Par Sophie Gayet
Moitié contrat de vente, moitié mode d'emploi destiné à fixer la façon dont l'acquéreur doit présenter la pièce acquise, ces contrats s'inscrivent à la fois dans le marché de l'art et dans l'économie de l'œuvre(1). Car s'il s'agit bien d'entériner la vente de l'œuvre et son intégration dans le marché, leur enjeu est aussi de conserver, malgré la vente, un certain contrôle sur le devenir de l'œuvre. Les principes d'exposition énoncés dans l'avertissement doivent effectivement permettre à la pièce de continuer à fonctionner selon ses principes de conception. Comment Daniel Buren peut-il continuer à exercer un droit moral sur son travail après qu'il a été vendu? Tel est l'enjeu des Avertissements. Leur étude s'annonce pourtant d'emblée difficile, car le texte publié de l'avertissementtype interdit “toute reproduction du présent avertissement ainsi que son exposition dans quelque lieu que ce soi”(2). Il semble alors impossible de consulter ces textes que seuls l'artiste et les collectionneurs possèdent. Cependant, après quelques sollicitations, Daniel Buren nous a autorisé à prendre connaissance des avertissements relatifs aux pièces acquises par le MNAM, ce qui a été aussi le sésame auprès des collectionneurs privés. Nous examinerons d'abord les principes de fonctionnement des avertissements tels qu'il sont revendiqués par Daniel Buren et nous les comparerons à leur fonctionnement effectif d'après ce qui ressort de notre enquête. Revenons un instant sur la nature très particulière des travaux de Daniel Buren. Il n'est en effet pas possible d'envisager la spécificité des Avertissements sans avoir à l'esprit qu'ils accompagnent des œuvres in situ.
LES AVERTISSEMENTS PRINCIPES
La nature du travail de Daniel Buren
Daniel Buren met en situation son outil visuel: des bandes verticales blanches et de couleur alternées, larges de 8,7 cm (+-2mm). Ses tissus ou papiers rayés ne constituent jamais l'œuvre elle-même. En dérober un échantillon n'aurait aucun sens, et Buren prend soin de faire signer à ses acquéreurs un contrat - l'avertissement qui nous occupe - qui stipule les conditions de leur mise en place. «La locution latine in situ met l'accent sur la relation de l'outil visuel et du lieu, comme sur les modalités de son insertion. Buren l'a empruntée aux archéologues: un objet est dit in situ lorsqu'il est découvert à l'endroit supposé de son usage initial. Dans ce cas, sa situation, notamment par rapport aux autres traces du passé qui l'accompagnent, est capitale pour l'élucidation de ses fonctions, de son sens. In situ désigne aussi un mode de présentation des vestiges du passé à l'endroit où ils furent mis au jour, organisation muséographique qui facilite la compréhension des visiteurs. L'in situ de Daniel Buren(3) condense ces deux significations»(4). Aux dires mêmes de Buren: «Totalement dépendant des lieux pour lesquels ils ont été conçus, [ses] travaux renversent en effet l'autonomie traditionnelle et présumée de l'œuvre… Une autonomie (ou croyance en l'autonomie, ce qui n'est pas tout à fait pareil) qui marque toujours lourdement l'histoire de l'art occidental et qui est la clef de voûte de l'idéologie de l'art. Cette autonomie de l'œuvre signifie que la personne qui l'a en main peut en faire ce qu'elle veut […]. L'autonomie de l'œuvre conforte donc d'une manière extraordinaire la société capitaliste»(5). L'avertissement vise donc, au-delà de la vente de l'œuvre, le respect par l'acquéreur des conditions d'exposition prévues pour elle. Et, comme le travail de Daniel Buren consiste en une mise en situation de son outil visuel - les bandes alternées - il va sans dire que le respect des modalités de mise en vue de la pièce acquise est primordial pour la cohérence de celle-ci. Il s'agit maintenant de comprendre comment Daniel Buren réussit à imposer son contrat. La spécificité des avertissements
Voici les premières lignes qui forment le cadre de tout avertissement:
«Avertissement:
Le présent avertissement, correspondant à l'œuvre dont la description se trouve ci-après, ne prouve en rien à lui seul la provenance de l'œuvre à laquelle il se rapporte.
Afin que le possesseur du présent avertissement, également possesseur de l'œuvre qui y est décrite, puisse attribuer l'œuvre en question à Daniel Buren, il faut:
1. que le coupon détachable s'étant trouvé au bas du présent certificat, détaché, soit, dûment signé par le possesseur, entre les mains de Daniel Buren;
2. que le présent avertissement porte une marque partielle dont le reste doit se trouver sur le coupon détaché en possession de Daniel Buren
3. que toutes les clauses du présent avertissement soient strictement observées par le possesseur dudit avertissement et de l'œuvre à laquelle il est attaché.
Seule la réalisation de ces trois conditions permet d'attribuer l'œuvre décrite ci-dessous à Daniel Buren…»(6). Ainsi, contrairement à l'usage, ni les œuvres ni les contrats de vente, ne sont signés par lui. Il s'agit d'un étrange objet qui emprunte au contrat traditionnel sa forme, et par lequel seul l'acquéreur s'engage. Si les clauses écrites dans l'avertissement ne sont pas respectées par l'acquéreur, Daniel Buren n'authentifiera pas la pièce qui s'y rapporte. Car si l'artiste y explicite les modalités de la mise en vue des travaux, l'avertissement possède indéniablement aussi une dimension coercitive. Il convient donc de marquer dès maintenant la différence entre ces avertissements et les contrats des artistes conceptuels qui font leur apparition au cours des mêmes années. Les contrats dans l'art contemporain
et l'originalité de l'avertissement
Daniel Buren affirme que son avertissement précède de quelques années celui de Seth Siegelaud et Bob Projansky(7) - contrat pour la préservation des droits de l'artiste sur toute œuvre cédée, établi par le juriste new-yorkais Bob Projansky en février 1971, après des discussions dirigées par Seth Siegelaud auprès de cinq cents protagonistes du monde de l'art et qui a été publié en cinq langues dans le catalogue de la Documenta 5 en 1972. De fait, on peut parler de prémonition pour l'avertissement burennien puisqu'après une première mouture(8) en 1968, la version de 1969 est restée identique et continue d'accompagner toute les ventes(9). Mais contrairement au contrat traditionnel des artistes conceptuels chez qui «un papier signé par l'artiste fait office d'échange au même titre qu'un bon du trésor, mon avertissement, déclare Buren, ne fonctionne pas du tout de la même manière: celui qui signe c'est l'acquéreur lui-même»(10). Nous verrons que cette différence réussit à redistribuer les rôles traditionnellement dévolus à l'acheteur et à l'artiste. La mouture de 1968 a le mérite de mettre en exergue le moteur du système. «Certificat devant accompagner chaque œuvre en circulation. Imprimé, Paris, 1968
- Certificat d'acquisition n° .....
- […] Ceci étant admis, M. ....... a signé le présent certificat reconnaissant que seul Daniel Buren est en mesure de vérifier que l'œuvre acquise est bien de lui».
L'enjeu du certificat, c'est bien l'authentification de l'œuvre(11). Le principe de fonctionnement
Selon Jean-Marc Poinsot, cette redéfinition des rôles par laquelle l'artiste délègue une partie de son autorité à l'acheteur en lui faisant interpréter des pièces tout en exigeant que cette interprétation soit jouée selon une partition définie par lui, n'a été rendue possible que lorsque les artistes prirent la mesure des nouveaux enjeux de la signature: «Les artistes se sont servis des instruments mêmes et des mécanismes de l'aliénation pour ne plus remplir un rôle de sollicitant permanent et incertain totalement démuni face à l'acceptant, pour exploiter les mécanismes de l'aliénation dans leur propre usage des signes et enfin analyser et par là même reformuler le champ et les figures de leur autorité»(12).
La possibilité même de l'élargissement des prérogatives de l'artiste sur son œuvre, au-delà de la vente, se fonde chez Buren sur l'analyse suivante: l'usage veut que la signature ou un certificat soient l'ultime décision par laquelle s'achève l'action de l'auteur. Or Buren remarque que l'œuvre commence alors une carrière où les décisions, les contrôles préalablement effectués par son auteur risquent d'être dénaturés.
L'avertissement que Daniel Buren utilise transfère au détenteur de l'œuvre des responsabilités qui revenaient préalablement à l'artiste, mais en échange de devoirs nouveaux explicitement énoncés. Si l'acquéreur accepte les conditions du contrat - ce qui n'est pas toujours le cas: Buren dit qu'une fois sur deux la connaissance des clauses fait échouer la vente(13) -, c'est parce qu'il est tenu de le faire. C'est l'acquéreur qui vise à se ménager la preuve de l'authenticité de l'œuvre. Cette recherche de preuve est directement associée à l'attribution d'une valeur marchande, et cette valeur n'existe que si l'authenticité peut être prouvée, donc sous réserve que l'acquéreur s'engage en signant le certificat. C'est du moins l'analyse sur laquelle le système des avertissements fonctionne: c'est parce qu'il fait apparaître combien l'acquéreur est demandeur que Buren peut en retour créer des obligations qui sont à proprement parler le véritable objet du contrat. Cependant il est vraisemblable que le respect des clauses énoncées ne repose pas uniquement sur la crainte. On peut en effet penser que les acheteurs des œuvres de Buren sont aussi des amateurs à qui il importe que l'œuvre existe telle qu'elle a été voulue par l'artiste. Comme Buren le remarque, il existe, pour les personnes en mal d'investissement dans l'art contemporain, des œuvres moins contraignantes que les siennes(14).
Si ses œuvres sont malgré tout achetées, et si ses conditions sont acceptées, peut-être est-ce moins par crainte de voir l'achat ne plus être authentifié que par adhésion à la redéfinition de l'œuvre élaborée par l'artiste. Donc si la situation décrite - à savoir le respect des clauses sous peine de désauthentification des œuvres - fonctionne en droit, en fait elle repose aussi sur le partage d'une esthétique commune entre Buren et ses acheteurs.
Il faut donc observer ce qui se joue concrètement entre les avertissements, les œuvres et les acheteurs, pour déterminer comment fonctionnent les véritables avertissements. L'avertissementtype
Si jusqu'à maintenant il a été possible d'étudier le principe qui préside à l'émission des avertissements, c'est parce que Daniel Buren s'est appliqué a rendre public «l'avertissement-type» à travers différents textes. Sa première mouture et la version définitive de l'avertissement figurent en effet dans Les Écrits, son existence est mentionnée et développée dans Au sujet de…(16), enfin l'avertissement est aussi reproduit dans Propos délibérés(17). Pourtant, il n'en va pas de même pour les avertissements relatifs aux œuvres car la clause c de «l'avertissementtype» stipule que: «toute reproduction du présent avertissement ainsi que son exposition dans quelque lieu que ce soit, avec ou sans l'œuvre à laquelle il est attaché, sont interdites, sauf accord préalable de Daniel Buren». Et la clause i: «Tout manquement aux clauses du présent avertissement entraîne immédiatement et automatiquement l'interdiction absolue d'attribuer l'œuvre qui y est décrite à Daniel Buren». Si le texte-type des avertissements est bien connu, en revanche plusieurs difficultés se dressent devant la possibilité de consulter les avertissements qui sont effectivement rédigés. Il faut réussir à convaincre Buren de prendre connaissance de ce qu'il a intentionnellement rendu confidentiel; il faut persuader les collectionneurs, sachant que ceux qui acceptent de montrer leurs avertissements sans l'autorisation préalable de Buren risquent de voir l'œuvre relative à l'avertissement consulté, devenir un faux(18). Pourtant il paraît indispensable d'en prendre connaissance pour plusieurs raisons: il faut s'assurer de leur existence, voir quelle est cette marque partielle dont il est question, et enfin examiner les modalités d'exposition exigées. Par exemple, pour Jamais deux fois la mêmeI, Buren admet(19) que contrairement aux principes édictés(20) dans Au sujet de… ce n'était pas un des conservateurs du MNAM qui avait choisi le lieu et la couleur de l'interprétation 2000 de la pièce mais bien lui-même: «Les clauses publiées sont toujours vraies, sauf si je suis encore là alors je peux choisir le lieu». Il va sans dire que le rapport à la question de la conservation que la pièce était censée jouer est sensiblement différent si elle est mise en place par le conservateur ou par l'artiste lui-même. Il s'agissait donc de chercher d'éventuels accrocs faits par Buren à ses propres principes, non pour le confondre mais afin de mieux cerner le fonctionnement effectif de ses pièces.
LES AVERTISSEMENTS: APPLICATIONS
À la lecture des avertissements
Daniel Buren ayant donné l'autorisation de consulter les avertissements des pièces achetées par le MNAM, des collectionneurs privés et des institutions ont aussi accepté(21).
Certaines copies des avertissements du MNAM présentent des éléments troublants: ils sont signés de la même main et à la même date, à savoir le 3.6.94, alors que leur acquisition par le MNAM est antérieure(22). Ceux-ci(23) conservent le coupon détachable qui aurait dû être en possession de Buren. Ces éléments perturbent le dispositif même des avertissements dans la mesure ou la première clause n'est pas respectée. De plus, la date unique de signature laisse entendre que les avertissements ne sont pas réalisés de façon systématique, contrairement à ce qu'affirme Buren(24).
Une conversation téléphonique avec la personne qui s'occupe de ses œuvres au MNAM nous apprend que c'est elle qui a pris la décision de remédier au fait qu'avant 1994, aucun avertissement n'était en possession du MNAM. “J'ai insisté, dit-elle, ça a pris deux ans parce qu'il fallait qu'ils soient contresignés par le directeur du Centre. Tout a été fait d'un coup, voilà pourquoi tous ces avertissements portent la même date, il n'y a donc rien de troublant”. Si ce n'est qu'ici l'acquéreur taraude l'artiste pour que celui-ci mette en place le dispositif qu'il avait lui-même édicté. Cependant il faut tout de suite ajouter que les enjeux ne sont pas les mêmes selon que Buren vend à un musée ou à un collectionneur privé puisque le musée n'a pas le droit de revendre les œuvres. On peut alors penser que la question de l'interprétation des œuvres qui risque de se jouer lors d'une revente n'est pas ici de mise et que Buren serait plus vigilant quant à l'application des avertissements destinés à des collectionneurs privés. De fait, sur les copies disponibles des avertissements des collectionneurs privés, la partie détachable, qui doit être dans les mains de Buren est bien absente. La version donnée par Buren est quant à elle bien différente: “Ces bouts de papiers copiés sont la cuisine interne de Beaubourg, et les dates ne correspondent pas aux dates d'achat car pour chaque pièce il y a deux ou trois dates dues au délai d'enregistrement. Ils avaient tout perdu…, mais pour chaque pièce vendue l'avertissement a été rédigé dans les six mois suivants”. Ainsi l'artiste affirme que la faille qu'on avait cru déceler dans l'application de la mise en œuvre des avertissements repose entièrement sur la négligence des responsables du MNAM qui, ayant perdu les dits avertissements, auraient produit des copies erronées. Buren défend donc absolument l'application systématique du principe énoncé des avertissements. Deux paroles s'opposent, celle des responsables du MNAM (qui ne peuvent pas admettre qu'ils ont perdu les avertissements), et celle de l'artiste (qui ne peut pas déclarer qu'il ne met pas en œuvre les principes qu'il s'est lui-même assignés et qu'il a tenu à rendre publics). Et comme les avertissements originaux qui sont en possession des acheteurs ne comportent plus la date de l'achat, puisque cette partie est aux mains de Buren, l'unique possibilité de savoir ce qu'il en est vraiment serait de consulter les archives de Buren et de comparer les dates des avertissements avec celles de l'achat des œuvres. Cette solution n'a pas été envisagée à ce jour mais Buren peut à tout moment lever ce lièvre, s'il le souhaite. À la lecture des originaux
Bien d'autres faits vont encore se révéler à la lecture des originaux. Ceux-ci sont archivés au cabinet d'art graphique du MNAM. De fait, on constate qu'ils sont bien, cette fois, tous découpés en bas, ce qui rétablit la cohérence de leur fonctionnement.
Sur tous les avertissements un signe partiel est bien visible: six avertissements portent un demi sceau rouge qui ressemble à un idéogramme et seuls Les formes: peintures et Les couleurs: sculptures portent sur toute la largeur de la page, uniquement la partie supérieure de lettres tapées à la machine (soient des demi i, des demi j). La deuxième clause est bien respectée. Certains avertissements sont accompagnés d'un court texte tapé à la machine, avec la même mise en page et les mêmes erreurs de frappe: “Il ne sera délivré aucun duplicata du présent avertissement/certificat. Celui-ci/d (sic) doit accompagner la pièce qu'il décrit. leur concordance es (sic) indispensable. Il est d'autre part la seule garantie de l'origine et. de l'authenticité de l'œuvre qui s'y trouve décrite. prière de bien vouloir en suivre les clauses”. Ce texte à la typographie erronée, s'emploie à rappeler le principe de fonctionnement de l'avertissement. Une description formelle de l'œuvre ainsi que la façon dont elle doit être donnée à voir, ou les différentes variantes et interprétations qu'elle peut admettre, sont toujours présentes. Ainsi, par exemple pour la Peinture acrylique sur tissu rayé appartenant à Jean-Louis Maubant, “Si la pièce est laissée telle quelle, l'agrafer au milieu du mur choisi, le bas de la pièce au ras du plancher. Si la pièce est montée sur châssis, elle doit alors obligatoirement reposer à même le sol et s'appuyer contre le mur…”(25). Au vu de ces éléments, il est déjà possible de conclure qu'une certaine liberté d'interprétation est donnée à l'acquéreur. C'est ainsi que le jeu relatif aux modalités de mise en vue est souvent institué par Buren. Et de fait, nombre d'avertissements sont accompagnés de notes qui précisent les modalités possibles d'exposition(26).
Quand ils ne régissent pas la mise en vue des pièces qu'ils accompagnent, ils proposent différentes solutions parmi lesquelles il appartient à l'acquéreur de choisir. Ainsi, Jean-Louis Maubant a deux possibilités d'exposition pour Peinture acrylique sur tissu rayé. Le Centre Pompidou quant à lui, choisit pour Jamais deux fois la mêmeI une couleur qu'il archive afin de ne pas proposer deux fois la même, et pour Les couleurs: sculptures il décide de l'emplacement des quinze “sculptures” sur les toits de Paris: “l'installation sur les toits de Paris est laissée au choix des conservateurs ayant la charge des présentations”(27). Pour Les formes: peintures, le musée choisit encore les cinq peintures au verso desquelles se trouveront les cinq “peintures” de Buren: “Ces cinq "peintures" sont faites spécialement pour se trouver en dessous des cinq peintures choisies expressément par le Musée…”(28). Alors, si la volonté affichée des avertissements est bien de garantir - autant que faire se peut - la propriété morale de l'artiste sur son œuvre et ce, au-delà de la vente, une autre ambition se fait jour: celle de redistribuer les rôles dans le jeu de l'art et de promouvoir les acquéreurs des pièces au rang d'interprètes en leur laissant jouer l'œuvre comme ils l'entendent; dans les limites définies par l'avertissement. Les additifs aux avertissements
Enfin, certaines pièces qui accompagnent les copies des avertissements nous livrent de nouvelles informations concernant les modalités réelles de la vente des œuvres de Daniel Buren. Ainsi, une lettre jointe au dossier de la copie de l'avertissement concernant Les formes: peintures, nous apprend que cette pièce a été prêtée au Queens Museum of Art malgré le refus du MNAM. Daniel Buren a alors recréé trois pièces pour l'exposition Global Conceptualism: Points of origins 1950s-1980s au Queens Museum of Art de New York, qui s'est déroulée du 28 avril au 29 août 1999. On peut s'étonner du prêt de Buren, malgré la vente de Les formes: peintures au MNAM en 1977 et le refus du Musée de les prêter. Peut-être convient-il de se demander ce que le MNAM a vraiment acheté en 1977.
Est-ce l'idée de Les formes: peintures ou les cinq rectangles de tissu rayés blanc et noir qui se collent derrière les cinq tableaux choisis de la collection permanente? La réponse de Buren est claire à ce sujet. La pièce vendue au MNAM consiste en “cinq "peintures" se trouvant en dessous des cinq peintures choisies expressément par le musée et qui sont: Utrillo Le jardin de Montmagny, Kupka Les plans verticaux, Modigliani Tête rouge, Picabia L'œil cacodylate, Théo Van Doesburg Composition”. Il reste donc détenteur de l'idée, si l'on peut s'exprimer ainsi. Et le refus du MNAM provient d'après lui “d'un employé borné qui a pensé qu'il fallait prêter les cinq tableaux de la collection permanente”. Il n'empêche que pour le Queens Museum of Art la question de la propriété de cette pièce et de sa véritable nature n'était pas très claire non plus. Une deuxième lettre datée du 17 juin 1990 et adressée au MNAM par Daniel Buren concerne Ornements d'un discours. Il déclare: “C'est la dernière fois que je refais cette pièce - Beaubourg doit dorénavant y faire attention! Pour le montage j'ai mis une nouvelle description et des croquis”(29).
Ainsi, on pourrait conclure de ces deux additifs que les avertissements ne sont pas si contraignants que les termes du contrat le laissent entendre, puisque d'une part Buren peut prêter ou recréer, voire proposer de nouvelles installations pour des pièces qu'il a déjà vendues au MNAM, et que d'autre part, si le MNAM perd des pièces qu'il lui a achetées, Buren les refait(30).
Les prix
Aucun prix ne figure sur les avertissements consultés par nos soins. Seule une fiche adjointe nous apprend celui de la Cabane éclatée(31). On peut s'étonner de cette absence puisque le prix est sans doute un des enjeux majeurs de la vente. Buren explique son exclusion du corps de l'avertissement en dissociant la valeur marchande et la valeur esthétique(32). Cependant, ceci peut laisser perplexe dans la mesure où il entend imposer un réalisme en art qui romprait avec les pratiques romantiques de la plupart des artistes. On se souvient des textes dans lesquels il appelle de ses vœux un art créé en fonction de sa réalité sociale, à savoir pour le musée(33).
Nous pouvions supposer que Buren ne souhaitait pas que les avertissements fussent rendus publics parce qu'il tenait à la confidentialité des prix de ses œuvres. Or les prix n'y figurent pas. Mais là ne demeure pas l'unique sujet d'étonnement puisque d'une part il affirme que ce n'est pas la signature de l'artiste qui fait la valeur marchande de l'œuvre, mais les acheteurs eux-mêmes et le prix qu'ils sont prêts à payer; et que d'autre part, le principe même de la contrainte morale exercée par l'avertissement repose sur ce “suspens” de signature mis en place par l'avertissement. Il semble que l'artiste admette que se faire connaître comme auteur de la pièce confère bien à celle-ci sa valeur marchande, tout en affirmant que cette valeur marchande ne provient pas de cette reconnaissance. Tout se passe donc comme si Buren entendait jouer sur deux tableaux: dissocier l'œuvre de sa valeur marchande tout en jouant avec les mécanismes mercantiles du marché de l'art pour assurer la persistance de sa propriété morale sur l'œuvre. On peut sans doute dire que cette contradiction reflète celle qui existe entre la conception de la valeur et de la propriété des œuvres de Daniel Buren et celle communément admise. Ici, le tour de force de l'artiste réside dans le fait de se servir de cette conception commune pour servir la sienne.
Désauthentification de l'œuvre: réalité ou fiction juridique?
On a vu que le dispositif mis en place par l'artiste avec ses avertissements consiste à conserver un droit moral sur ses œuvres après leur vente. Ce droit moral s'exerce sous la menace que Daniel Buren fait peser de ne plus s'attribuer l'œuvre si l'acquéreur ne respecte pas les clauses du contrat. À ce propos, une question vient immédiatement à l'esprit: suffit-il que Buren récuse son œuvre pour que le monde de l'art entérine cette décision? Deux expériences rapportées par Buren permettent d'y réfléchir: mai 1988, il présente sur les quais de Glasgow une pièce qui consistait en une série de moulages en ciment peint en noir et blanc, qu'il avait disposés sur une pelouse, en regard des bittes qui se trouvaient le long des quais. Contrairement à ce qui avait été initialement décidé, les commissaires de l'exposition ne détruisirent pas la pièce à la fin de la manifestation mais la vendirent à la galerie Buchmann de Bâle(34). Cette dernière, qui savait que les travaux de Buren sont accompagnés d'avertissements, s'adressa, sur les conseils des vendeurs, à l'artiste.
Dans ce cas l'avertissement a bien accompli sa fonction de garantie morale de la pièce: la galerie, en demandant à Daniel Buren l'avertissement, lui a signalé qu'une pièce existait en dehors des conditions prévues de mise en vue. Cette expérience peut laisser penser que le monde de l'art, représenté en l'occurrence par la galerie, a fini par accepter les conditions de propriété morale que Daniel Buren a mises en place pour ses œuvres avec ses avertissements. Cependant, comme en témoigne la lettre envoyée de Nagoya (Japon) à divers destinataires et publiée en entrefilet par le Figaro du 17.04.89, les choses ne se passent pas toujours selon le désir de Buren: “J'apprends qu'un travail de moi est présenté dans l'exposition Bilderstreit alors que je n'ai jamais été invité ni même sollicité pour participer à cette exposition. Je crois fermement que de telles manières sont totalement inacceptables. Une œuvre d'art n'est pas uniquement une marchandise à seule fin d'être manipulée par quelques marchands et leurs associés. Le droit moral de l'artiste est plus important que la valeur marchande, aussi élevée soit-elle, de ce qu'il produit.
Pour ces raisons, je déclare que le travail exposé sous mon nom à Bilderstriet est un faux aussi longtemps qu'il ne sera pas ôté de cette exposition”(35). Mais Buren est-il en mesure de mettre sa menace à exécution? Il semble qu'il ne suffise pas qu'il déclare fausse une de ses œuvres pour que les galeries confirment cela. Dans le cas de la galerie Buchmann de Bâle, Buren a proposé de produire une nouvelle pièce pour la somme de celle acquise(36). Pourtant, il faut se demander si, dans le cas contraire, la galerie aurait accepté de détruire la pièce ou de la considérer comme fausse. D'après Buren: “la pièce de l'exposition japonaise a été retirée ipso facto, et cinquante exemples sont là pour dire que je retire de la vente des pièces qui n'ont pas d'avertissement. Je n'ai jamais échoué à faire sortir d'une vente une pièce. Cependant cela n'empêche pas qu'on vende des choses sans mon accord”. Toute la question concernant le véritable statut des avertissements se cristallise ici: si ceux-ci ont une effectivité réelle, c'est-à-dire si comme l'affirme Buren sur sa simple demande, sont retirées de la vente ou d'exposition des pièces qui d'après les clauses prévues n'ont pas à y apparaître, alors on doit admettre que les avertissements font autorité en matière juridique. En ce sens ils tendent à s'imposer contre la législation marchande qui admet que lorsqu'une œuvre est vendue elle appartient à son propriétaire et que celui-ci peut l'exposer ou la vendre comme bon lui semble. Cette capacité à contraindre ou non la sphère marchande ferait basculer les avertissements du côté de l'acte juridique ou de la fiction juridique.
Contrat juridique ou module esthétique, quel statut des avertissements?
Afin de se déterminer pour l'une ou l'autre des solutions, il faudrait s'assurer d'une part que les clauses des avertissements sont bien conformes au droit concernant la propriété artistique(37) et d'autre part que les pièces non reconnues par Buren, ont bien été retirées de la vente. À ce sujet, une étude serait à mener concernant le destin de pièces comme celles de l'exposition Bilderstreit. Ce retrait est-il toujours effectué ipso facto comme l'affirme Buren, sans même avoir recours à l'instance juridique? Instance dont selon l'artiste elles peuvent se passer car “les œuvres falsifiées meurent d'elles-mêmes”. Hélas, ces deux nouveaux champs de recherche ne peuvent pas être explorés dans le cadre de cet article.
D'après Buren le système mis en place par les avertissements fonctionne parfaitement: il détermine strictement les modalités de mise en vue des œuvres vendues et il avertit l'artiste de l'existence d'œuvres falsifiées en les désauthentifiant le cas échéant. La question qui demeure concerne la dimension performative des avertissements. Nous n'avons pu, en effet, établir ni la discordance du système (ce qui avait été compris comme caractère non systématique de certains avertissements du MNAM peut provenir de dysfonctionnements dans le service de la conservation de Beaubourg), ni son effectivité.
À vrai dire, il est difficile de dissocier dans les avertissements la part strictement juridique de la part esthétique. Et si la dimension esthétique des avertissements n'est pas niée par l'artiste (“Mon avertissement est aussi important dans mon travail qu'une pointe de rouge sur une pièce de Cézanne”), elle ne saurait invalider leur fonctionnement dans la sphère juridique. Ainsi, il convient sans doute de conclure que les avertissements de Buren fonctionnent comme parerga(38), modules qui jouxtent l'œuvre, et en se tenant à son seuil, remplissent la fonction de l'asseoir en dehors du champ strictement esthétique. Alors annexant ou prétendant annexer (la question n'est peut-être plus là) un champ qui n'est pas le sien, le parergon-avertissement entend émanciper la pièce de la place qui lui était traditionnellement assignée. L'incursion réelle ou fictionnelle qu'il opère dans la sphère juridique réussit à modifier le statut de l'œuvre et de de ses implications dans le champ artistique et social.
Sophie Gayet
Étude publiée dans le numéro 14 de la revue La Voix du regard, consacré au thème «De l'économie à l'œuvre». La Voix du regard. Revue littéraire sur les arts de l'image.
11, rue Henri Martin. 94200 Ivry-sur-Seine. T/F. 01 46 70 88 69
voixduregard@9online.frNote:
1. "Toute exposition publique de l'œuvre décrite au présent avertissement, dans quelque contexte que ce soit, est interdite, sauf autorisation préalable et écrite de Daniel Buren", Daniel Buren, Michel Parmentier, Propos délibérés, Art édition, Palais des Beaux-arts, Bruxelles, 1991, p. 161.
2. Daniel Buren, Les Écrits, t. 1, (1969), Capc Musée d'art contemporain de Bordeaux, Bordeaux, 1991, p. 61-63 et Daniel Buren, Michel Parmentier, Propos délibérés, op. cit., p. 160-163.
3. Selon l'artiste, et contrairement à ce qu'il affirmait jusqu'à maintenant: "la notion d'in situ n'est vraie qu'à 90% pour son travail, par exemple Jamais deux fois la même ou les cabanes éclatées ne sont pas in situ" Entretien personnel avec l'artiste le 4 mai 2001, document inédit. Notons que Jamais deux fois la mêmeI n'est pas mentionné être in situ d'après le cartel de la version 2000, alors que l'avertissement mentionne "travail in situ et évolutif".
4. Denys Riout, Qu'est-ce que l'art moderne?, Folio Essais, Paris, Gallimard, 2 000, p. 343-344.
5. Daniel Buren, Au sujet de..., entretien avec Jérôme Sans, Paris, Flammarion, 1998, p. 134 et 135.
6. Daniel Buren, Les Écrits, t. 1, (1969), p. 61-63 et Daniel Buren, Michel Parmentier, Propos délibérés, op. cit., p. 160-163.
7. Daniel Buren, Au Sujet de..., op. cit. , p. 144.
8. Daniel Buren, Les Écrits, t. 1, (1968), op. cit., p. 31-35.
9. Ibid. , p. 61-64.
10. Daniel Buren, Au sujet de..., op. cit., p. 145.
11. J.-M. Poinsot, Quand l'œuvre a lieu, L'art exposé et ses récits autorisés, mamco, Genève, 1999, p. 160.
12. Ibid., p. 153.
13. Daniel Buren, Michel Parmentier, Propos délibérés, op. cit., p. 90.
14. "Cela veut dire aussi qu'une pièce ne peut pas être exposée comme il l'entend par celui qui l'a achetée. Ce n'est plus une question d'argent mais c'est un réel obstacle pour le collectionneur qui voudrait bien montrer qu'il a acheté telle œuvre et qu'il l'a prêtée à tel ou tel musée...", ibid.
15. Daniel Buren, Les Écrits, t. 1, op. cit., Certificat d'acquisition, texte de 1968, p. 31 et Avertissement, texte de 1969, p. 61.
16. Daniel Buren, Au sujet de..., entretien avec Jérôme Sans, op. cit., p. 133-134, p. 144-146.
17. Daniel Buren, Michel Parmentier, Propos délibérés, op. cit., p. 160-163. 18. Daniel Buren, Michel Parmentier, Propos délibérés, ibid., p. 161-162.
19. Entretien personnel avec l'artiste le 4 mai 2001, document inédit. Les citations suivantes, non référencées, proviennent de cet entretien.
20. "Cette fois, un conservateur doit choisir un mur et le recouvrir d'un papier imprimé de bandes verticales colorées dont il conserve un échantillon comme mémoire de la couleur utilisée afin que, suivant la règle propre à cette œuvre, cette couleur une fois exposée ne soit plus jamais utilisée une deuxième fois, si cette œuvre est réinstallée. L'œuvre s'intitule: Jamais deux fois la mêmeI", Daniel Buren, Au sujet de..., op. cit., p. 137.
21. Les avertissements des pièces suivantes ont été consultés: Peinture aux formes variables, faite en décembre 1965-janvier 1966 et qui appartient à Roger Pailhas, Peinture acrylique sur tissu rayé, faite en mars 1971, dont l'acquéreur est Jean-Louis Maubant et ceux des pièces suivantes qui appartiennent au MNAM: Peinture aux formes indéfinies, faite en mai 1966; Jamais deux fois la mêmeI, travail in situ et évolutif, fait en 1967, 85 etc.; Peinture, provenance: Manifestation III, Théâtre des Arts décoratifs avec Mosset, Parmentier, Toroni, mai-juin 1967; Ornement d'un discours, 36 + 1, provenance: exposition Ian Wilson et Michel Claura (rue Saint-Lazare), fait en 1972-1979, Les Couleurs: Sculptures, quinze pièces différentes et de trois fois cinq couleurs différentes, fait en avril 1977, Les Formes peintures, fait en janvier 1978; Cabane éclatée n° 6, provenance: expo U. Ferranti, Rome, Italie, 1985, fait en 1985.
22. Les acquisitions de: Peinture, manifestation III,: Jamais deux fois la mêmeI; Ornement d'un discours 36 + 1; Cabane éclatée n° 6 et Vert Armor Éclats peints n° 78 sont respectivement de 1986, 1986, 1979, 1990, 1986.
23. Ceux de Peinture, manifestation III; Jamais deux fois la mêmeI; Ornement d'un discours 36 + 1; Cabane éclatée n° 6 et Vert Armor Éclats peints n° 78.
24. "Petit à petit, la plupart des personnes savent qu'il faut un certificat avertissement pour chacune de mes œuvres" Daniel Buren, Au sujet de..., op. cit., p. 145.
25. Copie de l'avertissement pour Peinture acrylique sur tissu rayé, faite en mars 1971 et appartenant à Jean-Louis Maubant.
26. Un cahier accompagne l'avertissement de Les couleurs: sculptures, et des notes succinctes celui de Les formes: peintures, quatre feuilles de papier calque accompagnent celui d'Ornement d'un discours, neuf pages dactylographiées et neuf dessins correspondants aux situations décrites par ces pages accompagnent celui de Jamais deux fois la mêmeI .
27. Avertissement des Couleurs: sculptures.
28. Avertissement des Formes: peintures.
29. C'est Buren qui souligne.
30. L'entretien du 4 mai 2001 avec Buren module cette assertion: "Pour Ornement d'un discours, des morceaux ont été volés pendant l'exposition, j'ai refait toute la pièce. Mais celle-ci a été volée dans leur réserve, je ne la referai plus. Il et donc incorrect d'affirmer que même volées, je refais les pièces. En l'occurrence c'est le MNAM qui manque à ses principes, pas moi".
31. Proposition d'acquisition pour le Musée National d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou, commission du 23 janvier 1989, rapporteur: J.-H. Martin, datée du 19 janvier 1990.
32. "Dire que c'est la signature de l'artiste qui fait la valeur marchande d'une œuvre m'a toujours paru faux, puisque le prix de l'œuvre est en fait celui accepté par l'acheteur, un point c'est tout. Porteur de la seule signature de l'acquéreur, mon avertissement le confirme. Les valeurs esthétique et éthique intrinsèques n'étant jamais prises en compte (comment pourraient-elles l'être d'ailleurs?), le prix d'une œuvre ne vaut que par ce que l'acheteur y met. Ainsi l'expression la signature d'un artiste est de plus en plus chère perd tout son sens. Le prix de l'œuvre d'un artiste vaut par la qualité et le nombre de personnes et d'institutions qui ont mis et sont prêtes à mettre encore de l'argent sur son œuvre. (...) Ce sont ces personnes qui font en quelque sorte la valeur marchande de l'œuvre et en sont donc le pedigree". Daniel Buren, Au sujet de..., op. cit., p. 145-146.
33. Le Musée / Galerie... n'est pas le lieu neutre qu'on voudrait nous faire croire, mais bien le point de vue unique où une œuvre est vue et en fin de compte, le point de vue unique en vue duquel elle est faite". Daniel Buren, Écrits, t. 1, op. cit., p. 181.
34. "Ces moulages en ciment étaient la réplique exacte des bittes qui se trouvaient le long des quais pour amarrer les bateaux. Toutes ces amarres étaient elles-mêmes systématiquement repeintes de rayures alternées blanches et noires... Les commissaires n'ont pas détruit l'œuvre moulée de la même façon qu'il était convenu de repeindre toutes les bittes existantes en noir dès la fin de la manifestation, puisque leur raison d'être n'avait de sens que dans et pour le lieu où elles avaient été fabriquées. Les commissaires de cette exposition, sans me prévenir, mirent en vente publique tous les moulages. La galerie Buchmann de Bâle m'a signalé qu'elle avait acquis ces œuvres mais qu'elle n'avait pas le certificat qui, lui avait-on dit, était en ma possession. Les moulages furent détruits en Suisse, où ils avaient échoué à grand frais". Daniel Buren, Au Sujet de..., op. cit.p. 148.
35. J.-M. Poinsot, Quand l'œuvre a lieu, op. cit., note 47, p. 161.
36. "J'ai pu rétablir la situation, bien que le prix du transport fût totalement perdu pour elle, en lui proposant de réaliser une pièce spécifique pour un budget correspondant à la somme qu'elle n'avait pas encore réglée". Daniel Buren, Au sujet de..., op. cit., p. 149.
37. Car jusqu'à nouvel ordre, il n'est pas possible de rédiger un acte juridique incompatible avec le Droit. Par ailleurs Buren affirme qu'un artiste a le droit de refuser qu'une de ses pièces soit exposée dans une manifestation qu'il récuse, quand bien même cette pièce ne lui appartient plus. En ce cas les avertissements ne proposeraient rien de plus que le Droit en matière de propriété morale de l'artiste sur ses œuvres, si ce n'est qu'ils régissent la façon dont la pièce doit être mise en vue.
38. J'emprunte cette notion à J. Derrida: " (Le parergon) est ce qui n'est pas intérieur ou intrinsèque, comme une partie intégrante, à la représentation totale de l'objet mais qui appartient seulement de façon extrinsèque comme un surplus, une addition, une adjonction, un supplément". La vérité en peinture, Champ Flammarion, Tours, 1978, p. 66 et "(le parergon) est ce qui ne se tient pas simplement hors d'œuvre, agissant aussi à côté, tout contre l'œuvre (ergon)" idem, p. 63.
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